27 octobre 2006

Une espagnole au goût bulgare

Comme promis, voici quelques mots au sujet de la partie qui a opposé, jeudi 26 octobre, Vesseline Topalov avec les Blancs à l'Azerbaïdjanais (et n°12 mondial) Shakhriyar Mamedyarov. Pour la première fois depuis longtemps, le Bulgare entama la rencontre en poussant e4, le coup que ses fans auraient souhaité voir apparaître sur l'échiquier lors du championnat du monde d'Elista. Contre Mamedyarov, ce fut une espagnole avec une aile dame ouverte aux quatre vents. L'espoir azerbaïdjanais laissa un pion pour percer une avenue sur la colonne g, tandis que Topalov avait deux pions doublés au milieu de l'échiquier.
Pendant longtemps, on put juger la position équilibrée mais, après le 40e coup, Mamedyarov perdit en précision, rata une ou deux fois l'occasion d'assurer l'équilibre et se retrouva au bord du gouffre, avec rien moins qu'une menace de mat en 1 coup (voir diagramme ci-contre) après le 47e coup blanc. En réalité, je suppose qu'il cherchait un échec perpétuel, comme le confirme le coup qu'il joua alors. Aucune défense du pion f7 n'est convenable (et, Mamedyarov ne le sait peut-être pas encore, la partie est perdue) : la tour ne peut aller en g7 car Fh6 est mortel et si le pion f s'avance en f6, les Blancs ont Fd2 et, après que leur dame s'est déplacée, les Noirs n'ont plus aucun bon coup à jouer. Dans la position du diagramme, ils osèrent donc Tg3 +, avec plusieurs idées en tête. Après 48. Dxg3 Dh1+, les Blancs évitèrent de jouer Dh2, à cause du perpétuel 49...Df3+ 50. Dg3 Dh1+ etc. Le monarque blanc se poussa donc avec 49. Rg4 suivi de Dxe4+. Ici, la seule solution possible pour gagner est de continuer le voyage du roi avec 50. Rh5 que joua Topalov. En effet, sur 50. Ff4, suit h5 ! 51. Rxh5 Cg7+ 52. Rg4 Df5+ qui regagne la tour au coup suivant et les Blancs ont bien du mal à faire parler leur pion de plus, avec les dames encore sur l'échiquier.
Après 50. Rh5, les Noirs... abandonnèrent, alors même qu'ils avaient joué pour obtenir cette position (diagramme ci-contre). Mamedyarov avait dû se dire que son cavalier sauterait sur g7 en donnant échec. Après quoi, le roi blanc aurait été obligé de venir en h6 (sur 51. Rg5 Df5+ 52. Rh6 Dh5 mat !), ce qui aurait provoqué une fourchette royale avec 51... Cf5 ramassant la dame. Mais voilà, tout cela ne fonctionne pas. Pourquoi ? Cherchez un peu ce qui fait que Cg7+ est réfuté. Voici la réponse : simplement, la dame blanche prend en g7 ! Suit 51... Rxg7 52. Fh6+ Rg8 et 53. Td8 mat. Magnifique tableau de mat, enseigné dans les écoles d'échecs.
Topalov a-t-il entamé, avec cette partie, une des remontées spectaculaires dont il a le secret ? Pendant qu'il gagnait cette partie, sur l'autre table de ce tournoi à quatre, Judit Polgar terrassait Ivan Sokolov, prenant seule la tête de la compétition avant les deux dernières rondes. Aujourd'hui, la Hongroise est opposée à Mamedyarov et jouera contre Topalov demain, pour la dernière partie, avec les Noirs.

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